https://doi.org/10.56749/annales.elteajk.2022.lxi.10.113
The article aims to highlight the nature and relevance of the reference to constitutional traditions in the new construction of illiberal constitutionalism in Hungary, with particular attention to the case of the constitutional jurisprudence related to it. In Hungary, the aims and effects of this reference - especially references to the achievements of the historical constitution - are to be discussed at the level of the constitutional text and with regard to the formation of new constitutional jurisprudence and, furthermore, the creation of the new constitutional identity. Remarkable theories have been developed on the elements of illiberalism or national populism in political science scholarship, and all of them emphasize the importance of the nation's pride in its culture, history and traditions as a fundamental political aspiration. This article examines the normative legal consequences of this phenomenon in a state where this idea has consecutively won a majority in Parliament, allowing political designers to adopt and amend a constitution and to decide on the competence and composition of the Constitutional Court. The article offers a critical narrative of this constitutional concept with regard to its legal relevance that is formed significantly by the Constitutional Court.
Keywords: illiberal constitutionalism, Hungarian constitutionalism, the Fundamental Law of Hungary, the achievements of the historical constitution, constitutional identity, populist constitutionalism
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En Hongrie, la référence aux traditions constitutionnelles a joué un rôle important - dans la structuration du peuple comme source de la souveraineté, dans l'analyse de l'élaboration de la constitution elle-même, et également dans l'évaluation de la création de l'identité constitutionnelle depuis 2010, au moins à l'égard des sciences politiques.[2]
Cet article tente d'identifier cet élément important du constitutionnalisme populiste. En Hongrie, l'une des forces du nouveau constitutionnalisme après 2010 a été que non seulement la rhétorique politique mais aussi le droit constitutionnel connexe qui ont fonder leur légitimité sur une référence aux traditions nationales. La Hongrie pourrait être un test décisif pour examiner ce phénomène, car en 2010, la coalition Fidesz-KDNP a remporté une majorité des deux tiers au Parlement, une majorité qui permet la création et la modification de la constitution.[3] Par conséquent, pour le parti populiste, il a été possible de dépasser la rhétorique et de commencer à modifier la constitution immédiatement à partir de 2010. Par l'adoption de la nouvelle constitution en 2011, et ensuite par les 11 amendements apportés à la Loi fondamentale[4] (constitution), la majorité gouvernementale a pu facilement mettre en æuvre dans la constitution et dans le système juridique tous les changements qu'elle jugeait nécessaires pour l'établissement du nouveau régime.
Luigi Corrias écrit, à propos de l'identité constitutionnelle en tant qu'État collectif, que pour les régimes populistes, l'identité constitutionnelle est sans doute l'une des trois reconstructions les plus importantes du constitutionnalisme populiste.[5] Roger Eatwell et Mattheu Goodwin, dans leur livre sur le populisme national identifié comme une révolte contre la démocratie libérale, attirent l'attention sur le rôle des traditions nationales dans la création de l'identité constitutionnelle du populisme national.[6] Mudde et Kaltwasser, dans leur très brève introduction au populisme, parlent de la culture comme d'une composante de la notion de peuple dans certains régimes populistes.[7]
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Jan-Werner Müller souligne également que les populistes rejettent la représentation politique comme représentation de la volonté générale selon la conception de Rousseau. Les populistes parlent plutôt du Volksgeist, où l'identité et la culture commune qui sont beaucoup plus importantes que la volonté réelle de la majorité numérique (la démocratie en tant que règle de majorité pure).[8] Blokker, allant encore plus loin dans sa réflexion, affirme que le « peuple » n'est pas une entité réelle pour les populistes, en ce sens que le concept de peuple n'est pas centré sur la société, mais que le peuple et la souveraineté populaire ont un contenu transcendant, métaphysique ; le peuple est un « sujet collectif » à part entière, fondé sur les traditions, les souffrances communes du passé et l'histoire qui unit un peuple.[9] C'est là qu'interviennent les traditions constitutionnelles, que ces éléments soient réels ou supposés. L'idée que les traditions et la culture communes, en particulier les traditions et la culture juridiques, sont importantes pour la création d'un État est sans aucun doute une affirmation vraie. La question est de savoir comment cette référence est utilisée dans un système juridique moderne doté d'une constitution à charte, comme en Hongrie la Loi Fondamentale de 2011. Quelle est la place, le rôle, la nature et les réalisations juridiques de la Cour Constitutionnelle issues de cette proposition ainsi que les préoccupations qui l'entourent ? Cet article vise à commenter cet enjeu à travers le cas hongrois.
La Hongrie est un pays où les partis gouvernementaux bénéficient d'un large soutien populaire et d'une majorité constitutionnelle au Parlement.[10] Lors des élections générales de 2010, l'ancien parti d'opposition de droite, le Fidesz, et son partenaire, le Parti chrétien-démocrate, ont remporté une victoire écrasante, et le nouveau gouvernement a obtenu une majorité des deux tiers. Au printemps 2011, le Parlement, en l'absence des deux partis d'opposition démocratiques (qui, protestant contre la « destruction de l'État de droit », ont boycotté l'ensemble du processus d'élaboration de la Constitution), a approuvé une nouvelle loi fondamentale de la Hongrie (Loi Fondamentale).
La nouvelle Loi fondamentale, qui est entrée en vigueur le 1[er] janvier 2012, a introduit certains principes et méthodes explicites d'interprétation constitutionnelle. Les normes initiales du contrôle constitutionnel ont été établies par la Cour
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constitutionnelle dans les années 1990. L'outil d'interprétation le plus important était le « test de nécessité-proportionnalité », par lequel la Cour contrôlait constamment la constitutionnalité des limitations des droits, en se basant plus ou moins sur le modèle de la juridiction du Bundesverfassungsgericht allemand. Cette approche a été codifiée par la Loi fondamentale à l'art. l.[11] Une autre grande règle générale d'interprétation constitutionnelle a toutefois été introduite à l'art. R) para (3) de la Loi fondamentale. Selon l'article R paragraphe (3), les dispositions de la Loi fondamentale doivent être interprétées (a) « conformément à leurs objectifs », (b) « avec l'aveu de la foi nationale », et (c) « avec les réalisations de notre constitution historique ». Le paragraphe (4) du même article stipule que « la protection de l'identité constitutionnelle et de la culture chrétienne de la Hongrie est une obligation pour chaque organe de l'État ». Selon l'art. N) alinéa (1) « Dans l'exercice de leurs fonctions, la Cour constitutionnelle, les tribunaux, les collectivités locales et les autres organes de l'État sont tenus de respecter le principe selon lequel la Hongrie applique le principe d'une gestion budgétaire équilibrée, transparente et durable ».[12]
La composition de la Cour constitutionnelle a également été complètement modifiée. Quelques mois seulement après sa formation en 2010, la nouvelle coalition gouvernementale, utilisant sa majorité des deux tiers, a transformé le processus de nomination des juges de la Cour constitutionnelle. Depuis lors, la composition de la commission parlementaire chargée de la nomination n'est plus basée sur la parité, mais reflète la force des parties au Parlement. En outre, l'art. 24 de la Loi fondamentale a introduit une nouvelle conception, avec 15 juges au lieu des 11 précédemment. La nouvelle constitution a habilité le Parlement à élire le juge en chef de la Cour (auparavant, il était élu par les juges eux-mêmes).
Le processus d'élaboration de la Constitution, ainsi que les modifications de l'activité législative qui ont suivi, ont non seulement donné lieu à de vifs débats dans le pays, mais ont également provoqué des remous au niveau international.
Le Premier ministre Viktor Orbán, dans un discours prononcé en juillet 2014, a ouvertement exprimé son point de vue sur les objectifs politiques du gouvernement. Tout en faisant l'éloge de Singapour, de la Chine, de l'Inde, de la Turquie et de la Russie qui « font le succès de [leurs] nations - et sont les nouvelles - stars des analyses
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internationales », il a déclaré que « le nouvel État que nous construisons est un État illibéral, un État non libéral ».[13]
La Cour constitutionnelle ayant été dès ses débuts un puissant contrepoids au pouvoir exécutif, il n'est pas surprenant que l'organe ait été impliqué dans les changements constitutionnels. En 2016, tous les juges de la Cour constitutionnelle ont été élus pour 12 ans, au lieu de 9 ans auparavant, et tous sont approuvés, sinon nommés, par la majorité au pouvoir.[14]
Le quatrième amendement à la Loi fondamentale de mars 2013, dans le but apparent de forcer l'organe à changer sa pratique interprétative, a abrogé tous les arrêts de la Cour constitutionnelle rendus avant l'entrée en vigueur de la Loi fondamentale (1[er] janvier 2012).[15] Le même amendement, qui a créé un environnement hostile, a ouvertement annulé de nombreuses décisions antérieures de la Cour constitutionnelle qui avaient déclaré inconstitutionnels d'importants actes législatifs de la majorité gouvernementale au Parlement, en inscrivant les dispositions controversées dans le texte de la Loi fondamentale afin d'éliminer tout autre contrôle judiciaire.[16]
Si nous analysons les raisons des changements de l'environnement constitutionnel et surtout de la pratique de la Cour constitutionnelle depuis 2010, nous pouvons conclure que la crise financière mondiale, le danger terroriste, le flux de migrants ou tout autre nouveau défi ne donnent pas d'explications plausibles aux changements fondamentaux qui se sont produits. La plupart des changements dans la jurisprudence constitutionnelle ont été provoqués par les tendances politiques et constitutionnelles incontestables qui construisent ce que l'on appelle une « démocratie illibérale », ou un constitutionnalisme populiste rejetant les contrepoids institutionnels contre le pouvoir exécutif et construisant lui-même un État basé sur la nation unie.
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Dans le texte de la Loi fondamentale, les traditions constitutionnelles, à savoir la constitution historique, ont été mentionnées comme un des fondements de l'État hongrois, en plus de la transition démocratique de 1989. Certains chercheurs font remonter les racines de la constitution historique à la fondation de l'État en l'an 1000, voir même plus tôt encore, avant la conquête de la fin du 9[ème] siècle (ce qui était une opinion dominante parmi les historiens du droit hongrois avant la Seconde Guerre mondiale).[17]
Cette disposition de la loi fondamentale a d'abord été considérée par les experts comme un élément idéologique de la constitution ayant peu ou pas de valeur juridique normative, mais après un certain temps, la Cour constitutionnelle a essayé de définir la signification des dispositions suivantes de la loi fondamentale. Ainsi dans le Serment national : « Nous honorons les réalisations de notre constitution historique et nous honorons la Sainte Couronne, qui incarne la continuité constitutionnelle de l'État hongrois et l'unité de la nation. Nous ne reconnaissons pas la suspension de notre constitution historique en raison d'occupations étrangères. Article R) (3) V Les dispositions de la Loi fondamentale sont interprétées conformément à leurs objectifs, au væu national qu'elles contiennent et aux réalisations de notre constitution historique ».
Donner un contenu normatif à ces phrases de la Loi fondamentale constituait un exercice constitutionnel douteux, car pour les constitutionnalistes réunis après 1990, il était complètement inopportun de fusionner le concept - à la base médiéval - de la constitution historique avec une des constitution écrite les plus récentes en Europe, et dont l'adoption est basée sur la Constitution démocratique de la transition de 1989. Dans la mesure où elles sont interprétées simplement comme une prescription d'utiliser l'interprétation historique comme l'une des possibles méthodes d'interprétation (qui est de toute façon utilisée par la Cour constitutionnelle hongroise), ces dispositions ne constituent pas un grand défi pour la décision constitutionnelle.[18] En revanche, si on veut y voir une signification plus large, il pourrait s'agir d'un nouveau concept de constitutionnalisme hybride, dont les contours ne sont pas encore clairs.[19] La référence,
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à l'article R), aux réalisations de la constitution historique pourrait également être interprétée comme un test.[20] Comme je l'ai précédemment spécifié, il appartient aux institutions étatiques contemporaines de se prononcer pour l'une ou l'autre interprétation. Ce dilemme semble encore suspendu en 2022.
Le site internet de la Cour constitutionnelle recense 79 décisions entre 2012 et mi-2020 qui mentionnent les acquis de la constitution historique, soit dans le cadre de l'art. R) ou seules. Les 76 mentions sont liées au bien-fondé des décisions prises. Il y a 92 mentions au total dans les opinions majoritaires, concordantes et dissidentes, et certaines d'entre elles mentionnent le Serment national. Bien qu'elles fassent référence à l'article R) ou à la constitution historique, certaines ne contiennent pas d'argumentation à ce sujet. Seules 30 affaires ont utilisé les réalisations de la constitution historique dans le cadre de l'argumentation. Selon Gera, 22 principes ont été considérés comme des réalisations de la constitution historique, ainsi que sept règles concrètes.[21]
La loi fameuse de 1946. évi I. de la Constitution, qui est un élément essentiel de notre histoire juridique bien qu'elle ne soit jamais entrée en vigueur ;[22] faisait déjà mention spécifique de règles concrètes dont les dispositions de la loi 1911. évi I. tc. Selon les historiens du droit, cette règle du Trésor public n'était pas déterminante en tant qu'élément de la constitution historique en 1911. D'autres exemples de principes juridiques pourraient être largement le principe d'égalité,[23] plus singulièrement le principe de préservation des forêts,[24] ou encore les allocations de maternité.[25]
Dans certains cas, la Cour constitutionnelle a fait référence à la constitution historique sans expliquer la place de cette référence dans l'argumentation.[26] Dans d'autres cas, nous observons une description historique connexe sans aucune identification des réalisations de la constitution historique.[27] Gera prouve qu'il n'y a eu que cinq cas dans lesquels la Cour constitutionnelle a effectué une analyse historique approfondie avant de reconnaître l'acquis.[28]
Dans la plupart des cas, les réalisations identifiées de la constitution historique, telles que la liberté de la presse, sont entièrement conformes au contenu de la loi fondamentale.[29] Cette approche générale est présente dans environ trois cas par an et dans lesquels on retrouve des élément de la constitution historique. Dans quelques
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cas, la portée de ces éléments a été débattue. Dans la décision 34/2017 (XII. 11.) CC la législation sur la presse de 1848 a été identifiée et réitérée par l'opinion majoritaire. Dans son opinion dissidente, une juge a affirmé que si elle avait respecté le réel contenu de cette loi de 1848, la Cour constitutionnelle aurait dû conclure différemment son avis.
La Cour constitutionnelle a convenu qu'une décision ne pouvait pas se fonder uniquement sur les acquis de la constitution historique sans trouver de bases juridiques dans la Loi fondamentale. Cependant, le poids réel de la référence dépend du cas en présence. La référence à la constitution historique constitue toujours un argument supplémentaire.[30] Dans ce cas, cependant, la question se pose de son rôle et de sa légitimité, et de la nécessité d'y faire référence. L'opinion dissidente d'un autre juge au point 22/2019 (VII. 26.) CC met l'accent sur cette question en disant qu'il est difficile de reconnaître la pertinence de cette disposition en droit constitutionnel interne. Cette décision considère que notre statut d'État souverain est un acquis de la constitution historique. L'opinion dissidente affirme que les acquis de la constitution historique n'ont de sens qu'en ce qui concerne l'UE et l'ordre juridique international et la place indépendante de la Hongrie et du constitutionnalisme hongrois. Par conséquent, elle doit être appliquée contre les normes juridiques externes.
Déjà en 2012, juste après l'entrée en vigueur de la loi fondamentale, la Cour constitutionnelle a expliqué l'importance des arguments historiques, affirmant que sans cette connaissance « notre droit public actuel et notre culture juridique en général seraient sans racines ».[31] Au cours des premières années d'application de la loi fondamentale, la Cour constitutionnelle a parfois utilisé des déclarations purement formelles, soulignant que l'organe « tenait compte » du fait que certains droits ont des racines historiques ancrées dans la constitution historique ; la liberté de la presse, par exemple, était un acquis de la constitution historique établie par la loi XVIII de 1848.[32] Les arguments redondants sont souvent apparus dans cette période, lorsque l'ancienne valeur d'un principe acquis est la même que le contenu de la loi fondamentale ; dans ce cas, la liberté de la presse est pleinement présente dans la loi fondamentale de 2011 et spécifiée par les lois sur les médias adoptées en 2010.[33]
D'autre part, dans un exemple plus spécifique encore, les acquis de la constitution historique sont également contradictoires dans la mesure où, par exemple, l'acte de 1848 était un énorme pas en avant au 19[ème] siècle vers la liberté de la presse, mais serait un énorme retour en arrière aujourd'hui dans sa protection. Szente souligne qu'il s'agit d'un bon exemple qui pointe vers un problème général de la nature des mythes de l'évolution constitutionnelle. Les textes législatifs du passé, même ceux qui ont une
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valeur constitutionnelle positive en ce qui concerne l'extension des droits, ne peuvent être appliqués littéralement ; ils nécessitent une interprétation contemporaine plus poussée, qui est un projet interdisciplinaire impliquant l'histoire et le droit, sinon l'interprétation juridique est arbitraire. Un autre exemple celui selon lequel la Cour constitutionnelle a fait référence à plusieurs reprises, aux garanties de l'indépendance judiciaire comme un acquis de la constitution historique, comme si la source juridique de ces garanties en droit hongrois était la loi IV sur l'exercice du pouvoir judiciaire de 1869, plutôt que la constitution actuelle et la loi cardinale CLXII de 2011 sur le statut juridique et la rémunération des juges. Bien que l'indépendance judiciaire soit sans aucun doute une valeur stable de l'évolution libérale classique, son contenu était à l'époque bien différent des standards actuels.[34]
Ces références aux sources juridiques du passé comme sources du droit contemporain sont également problématiques pour des raisons contentieuses. Les anciennes dispositions servent plutôt de principes que de règles, mais cette distinction reste ambiguë dans le texte. Dans le cas d'une différence litigieuse, c'est-à-dire d'une contradiction entre le sens de l'ancien et du nouveau texte, il serait également possible, sur le plan doctrinal, de réduire le niveau de protection en se référant à la réalisation de la constitution historique, ce qui n'est certainement pas un objectif dans un ordre juridique européen.
Le caractère interdisciplinaire du projet entraîne des difficultés dans la pratique de la Cour constitutionnelle. La décision 16/2016 (X. 20.) CC, par exemple, fait référence au préambule de la loi I de 1946 (Petite Constitution) comme un accomplissement de la constitution historique, malgré le fait que cette loi a délibérément interrompu la continuité avec l'ancienne constitution historique dans tous ses éléments essentiels, tels que la forme du gouvernement, la question de la souveraineté ou la structure du pouvoir législatif.[35] Poussant plus loin cette ligne d'interprétation, László Sólyom, premier président de la Cour constitutionnelle de 1990 à 1999, puis président de la République, a déclaré qu'il interpréterait les dispositions susmentionnées de la loi fondamentale comme impliquant que les développements constitutionnels de 1989 à 2010, la législation, la jurisprudence constitutionnelle, etc. font également partie de la constitution historique.[36] Ces interprétations rompent avec le concept de constitution historique tel qu'il est compris dans l'histoire du droit hongrois et tentent de l'interpréter librement pour préserver les acquis de l'Acte 1 de 1946, la première
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constitution écrite qui n'est finalement pas entrée en vigueur après la Seconde Guerre mondiale, et le constitutionnalisme démocratique libéral de 1989.
Il existe un certain nombre d'exemples dans lesquels le Cour Constitutionnelle trouve une règle connexe dans une loi antérieure et l'utilise comme une réalisation de la constitution historique, bien que toutes les dispositions légales adoptées avant 1944 n'aient pas été incluses dans le cadre conceptuel de la constitution historique, mais seulement les lois « fondamentales » ou « cardinales » qui concernaient l'exercice de la puissance publique ou les droits et libertés individuels.[37]
Selon Szente, historien du droit et constitutionnaliste, il s'agit sans aucun doute de points importants de l'histoire du droit. Les livres d'histoire du droit analysent en profondeur ces éléments du développement du droit à ces périodes, mais Szente attire notre attention sur le fait trivial que nous avons écrit des règles dans l'ordre juridique positif actuellement en vigueur en Hongrie pour les mêmes questions constitutionnelles.[38] Par conséquent, la référence à ces anciens textes dans ces cas est redondante, et donc inutile dans un sens juridique.
Péter Paczolay, qui était à la tête de la Cour constitutionnelle lorsque la nouvelle loi fondamentale est née, a écrit sur l'impossibilité du concept de la constitution historique contemporaine, une constitution écrite qui prend en compte la constitution historique comme source de droit.[39]
L'approche de la tradition constitutionnelle vivante consiste plutôt à trouver le droit dans les sources juridiques positives contemporaines, c'est-à-dire dans la législation et la jurisprudence nationales, internationales et européennes, et à appliquer l'interprétation historique comme méthode d'interprétation afin de mieux comprendre le texte législatif. Dans de nombreux cas, la Cour constitutionnelle utilise une interprétation historique en substance, bien que se référant à l'art. R) de la loi fondamentale et aux réalisations de la constitution historique.[40] Survient un problème méthodologique, puisque la méthode classique, ou l'interprétation historique, est transformée dans de nombreux cas dans la jurisprudence, afin de se conformer à la loi fondamentale, en une sorte de test pour trouver les réalisations pertinentes de la constitution historique. La procédure est la même dans l'interprétation constitutionnelle, mais elle est désignée différemment - au lieu de l'interprétation historique, comme le dit Jellinek, il y a ce qu'on appelle un « test de réalisation ». L'objectif des deux activités d'interprétation est de trouver les normes juridiques ou les principes pertinents dans le passé et de les examiner chaque fois qu'ils peuvent aider le juge à définir le contenu actuel de la disposition constitutionnelle en cas
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de doute ou d'incertitude. Dans l'interprétation juridique, étant donné que le droit est un sous-système social, le passé, le présent et l'avenir sont fusionnés, et il est naturel de se tourner vers le passé pour obtenir des conseils pour l'avenir. Mais le pouvoir normatif de ce passé sur le présent est en question. Dans un cas où le passé acquiert un pouvoir normatif dans le constitutionnalisme actuel, mais où l'on ne sait pas exactement ce qu'est le passé, où il dépend des institutions de l'État dans une situation où les institutions de l'État sont capturées par la majorité politique des deux tiers représentant une partie ou la majorité du peuple, cela conduit à une compréhension contrôlée du passé et à une compréhension contrôlée des règles et valeurs du passé. Ce qui, à son tour, conduit à la règle des personnes en position de pouvoir, plutôt qu'à la règle de droit - c'est-à-dire au contrôle par le pouvoir politique. Il en résulte un problème d'incertitude, d'absence d'état de droit et d'arbitraire.
En ce qui concerne le problème de la divergence, nous devons reconnaître que de nombreuses traditions constitutionnelles que nous avions à l'époque de la constitution historique sont très éloignées de la conception actuelle du constitutionnalisme. Szente souligne dans sa critique que de nombreuses institutions importantes de la loi fondamentale - telles que la forme républicaine du gouvernement, la fonction de président de la République, la neutralité de l'État, l'institution de la Cour constitutionnelle ou le transfert de souveraineté dans le cadre de l'adhésion à l'Union européenne - sont totalement incompatibles avec l'ordre des valeurs et le système des pouvoirs publics et des droits fondamentaux de la constitution historique. Ceci est particulièrement vrai pour un élément central de la constitution historique, la Sainte Couronne.[41]
À l'exception d'un très petit nombre de principes et d'institutions, le contenu de la constitution historique a constamment changé au fil du temps ;[42] par exemple, la Bulle d'or et la Pragmática Sanctio n'ont jamais été toutes deux en vigueur en Hongrie au même moment, tandis que les lois révolutionnaires de 1848 ont radicalement changé le contenu substantiel de l'ancien droit féodal. Selon Szente, se référant à Schweitzer et Vörös, la plupart des composantes de la constitution historique n'ont jamais coexisté dans le pays.[43]
Il n'est pas nécessaire de dire combien il est difficile de déterminer la signification précise des lois des époques passées et leur pertinence actuelle.[44] Dans notre cas, si la pertinence ne peut être justifiée par la nécessité réelle de la référence d'un point de
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vue juridique,[45] une autre explication est nécessaire. Cette explication est justifiée par le fait que la loi fondamentale devrait avoir sa propre force de conviction pour créer l'état constitutionnel lui-même, qui est soutenu par le peuple. Une raison possible de cette référence normative à la constitution historique est que les deux tiers de l'autorité chargée d'élaborer et de modifier la constitution ont voulu graver leur légitimité dans le passé, la graver dans la pierre. Les décideurs populistes ont voulu créer une nation qui soutient sa politique constitutionnelle par cette référence au passé historique commun et précieux, à la continuité, aux réalisations de la constitution historique, comme base de l'État fort. L'application des valeurs communes du peuple, ou de la nation, créées par la Constitution à la majorité des deux tiers, et donc le renforcement de la communauté du peuple qui élit ses dirigeants populistes, peuvent être qualifiés d'élément du constitutionnalisme national populiste en Hongrie.
L'interprétation normative du peuple en tant que nation commune et unie a été mise en æuvre sous la forme de l'identité constitutionnelle.
La décision 22/2016 (XII. 5.) de la Cour Constitutionnelle, selon laquelle l'identité constitutionnelle de la Hongrie est fondée sur la constitution historique, indique que la Cour elle-même élaborera le contenu précis de l'identité constitutionnelle « conformément à la constitution historique, de cas en cas ». Ce faisant, la Cour souhaite examiner si l'exercice conjoint de compétences avec les institutions de l'UE ne viole pas l'identité constitutionnelle de la Hongrie telle qu'elle est fondée sur la constitution historique.[46]
La notion juridique d'identité constitutionnelle est née en Hongrie dans le contexte politique de la crise migratoire, lorsque le gouvernement hongrois a souhaité exprimer sa position particulière vis-à-vis de l'UE et de la nation.[47] Les éléments de l'identité nationale proposés sont constitutionnalisés sous la forme de l'identité constitutionnelle, car - comme je l'ai décrit plus haut dans la définition du populisme constitutionnel - en
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Hongrie, en raison du paysage politique, la nouvelle approche des partis populistes, et notamment du Fidesz, peut très rapidement faire partie du système constitutionnel.[48]
La Cour constitutionnelle hongroise s'est référée à la section sur l'identité du traité de l'Union européenne, ainsi qu'à de nombreuses autres décisions de cours constitutionnelles européennes qui ont formé le concept d'identité nationale et constitutionnelle. L'identité nationale ou constitutionnelle hongroise a été exploitée comme moyen de défense contre le droit européen. Outre cette tentative normative de faire référence aux particularités constitutionnelles nationales contre le droit européen, l'identité constitutionnelle et la constitution elle-même jouent certainement un rôle dans l'établissement du peuple comme source de légitimité.[49]
Des tentatives ont été faites pour diffuser les nouvelles valeurs, en partie présentées comme des traditions nationales dans la société : tous les diplômés de l'enseignement secondaire, par exemple, reçoivent un bel exemplaire de la Loi fondamentale. L'idée politique est bien formulée dans l'opinion concordante du juge András Zs. Varga dans la décision 22/2016 (XII. 5.) de la Cour constitutionnelle : « L'auto-identité constitutionnelle n'est pas une valeur juridique universelle, c'est une caractéristique des États spécifiques et de leurs communautés, de la nation, qui ne s'applique pas (de la même manière) aux autres nations ». Dans le cas de la Hongrie, l'identité nationale est en particulier inséparable de l'identité constitutionnelle. La gouvernance constitutionnelle du pays a été l'une des valeurs fondamentales auxquelles la nation a toujours adhéré, et cette valeur a été vivante même aux époques où la totalité ou la majorité du pays était occupée par des puissances étrangères.
Dans le serment national, nous lisons ce qui suit : « Nous considérons que la protection de notre identité enracinée dans notre constitution historique est une obligation fondamentale de l'État. Nous ne reconnaissons pas la suspension de notre constitution historique en raison d'occupations étrangères. » L'article R, paragraphe 4, stipule que « la protection de l'identité constitutionnelle et de la culture chrétienne de la Hongrie est une obligation pour tous les organes de l'État ».
L'identité constitutionnelle de la Hongrie est définie comme faisant des réserves principalement en opposition au droit de l'UE, c'est pourquoi il est important de lier fortement cela à la constitution historique dans l'argumentation au lieu de la fonder sur des valeurs constitutionnelles européennes communes. La décision 22/2016 (XII. 5.) de la Cour constitutionnelle a été adoptée après l'échec d'un amendement à la loi fondamentale visant à émettre des réserves en référence à l'identité hongroise au droit de
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l'UE dans le cadre de la crise migratoire, en l'absence d'une majorité gouvernementale des deux tiers au Parlement, et après un référendum invalide sur la même question.[50]
Enfin, dans la décision 22/2016 (XII. 5.), la Cour constitutionnelle s'est prononcée sur l'interprétation de la loi fondamentale en faveur des objectifs du gouvernement. Une procédure d'interprétation avait été soulevée à la Cour par le médiateur. Comme développé dans la requête, la question constitutionnelle concrète était liée à la décision (UE) 2015/1601 du Conseil de l'Union européenne du 22 septembre 2015 sur la migration.[51]
Le CC a établi que l'UE assure une protection adéquate des droits fondamentaux. Toutefois, la Cour constitutionnelle ne peut pas non plus mettre de côté la protection des droits fondamentaux, et doit garantir que l'exercice conjoint des compétences n'entraînerait pas la violation de la dignité humaine ou du contenu essentiel d'autres droits fondamentaux dont la protection fait partie de l'identité constitutionnelle.
La Cour a fixé deux limites principales dans le cadre de la question sur les actes juridiques de l'Union qui s'étendent au-delà des compétences exercées conjointement. Premièrement, l'exercice conjoint d'une compétence ne doit pas violer la souveraineté de la Hongrie ; deuxièmement, il ne doit pas conduire à la violation de son identité constitutionnelle. Le CC a souligné que la protection de l'identité constitutionnelle devrait prendre la forme d'un dialogue constitutionnel fondé sur les principes d'égalité et de collégialité des partenaires du dialogue, mis en æuvre dans le respect mutuel de chacun. La Cour constitutionnelle a établi sa compétence pour examiner si l'exercice conjoint des pouvoirs par le biais des institutions de l'UE violerait la dignité humaine, un autre droit fondamental, la souveraineté de la Hongrie ou son identité basée sur la constitution historique du pays.[52]
L'intérêt de l'affaire réside dans le fait que c'est la première fois que le CC se prononce explicitement sur la relation entre le droit communautaire et la constitution nationale, en affirmant que la loi fondamentale a la suprématie ultime sur les questions constitutionnelles fondamentales. En outre, l'identité constitutionnelle, le noyau inviolable de la constitution, n'a jamais été déinie comme telle auparavant. La constitution historique du pays en tant qu'élément de l'identité non amendable pose également de nouvelles questions dans l'ordre constitutionnel hongrois. Si la loi fondamentale est modifiable dans la mesure où elle n'interfère pas avec la constitution historique en tant que base, la constitution historique jusqu'à présent non déinie dans
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le droit constitutionnel positif pourrait, en effet, avoir une nouvelle position plus forte, au moins en tant qu'outil d'interprétation constitutionnelle.
La Cour constitutionnelle a établi dans la section III.7.2. de son raisonnement que
l'identité constitutionnelle de la Hongrie est une valeur fondamentale qui n'est pas créée par la Loi fondamentale - elle est simplement reconnue par la Loi fondamentale. Par conséquent, il ne peut être renoncé à l'identité constitutionnelle par le biais d'un traité international - la Hongrie ne peut être privée de son identité constitutionnelle que par l'extinction définitive de sa souveraineté et de son statut d'État indépendant. Par conséquent, la protection de l'identité constitutionnelle reste le devoir de la Cour constitutionnelle tant que la Hongrie est un État souverain.[53]
Les traditions constitutionnelles, quelles qu'elles soient, selon les faits juridiques mentionnés ci-dessus, font partie de l'ordre constitutionnel hongrois. Certains spécialistes pourraient facilement dresser la liste des traditions constitutionnelles de la Hongrie et les faire remonter loin dans l'histoire.[54] Certains spécialistes hongrois en 2020 soutiendraient que l'ordre constitutionnel actuel est « dépendant du passé », c'est-à-dire que les éléments de la constitution historique sont des faits juridiques et des sources de droit et qu'ils ne peuvent donc pas être modifiés par un nouveau pouvoir politique constituant. Les traditions constitutionnelles, en tant que réalisations de la constitution historique, constituent la base de l'identité constitutionnelle hongroise, inviolable par toute puissance nationale ou étrangère.[55] Ma conviction est cependant emportée, par ceux qui exposent - comme je l'ai soutenu - que les traditions constitutionnelles, en particulier sous la forme des réalisations de la constitution historique, peuvent difficilement être comprises comme un élément normatif supplémentaire à la constitution écrite, à la loi fondamentale. Comprendre les acquis de la constitution historique comme une nouvelle source de droit jouant un rôle doctrinal dans l'interprétation de la loi fondamentale en tant que test est un concept trouble, car il crée une constitution hybride, dont les éléments normatifs ne sont pas clairs et ne pourraient donc pas être consciemment consentis par le pouvoir de faire et de modifier la constitution. D'autre part, ces formules pourraient être entendues comme des ornements du texte constitutionnel (l'argument de la redondance au sens juridique) et de la ratio decidendi dans les décisions des cours constitutionnelles ou, alternativement, on pourrait soutenir que la référence aux éléments de la constitution
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historique n'ajoute pas plus à la méthode historique classique d'interprétation. Il est difficile de leurs reconnaître d'autres fonctions juridiques que celles-ci.
En outre, la tradition et l'identité supposent une sorte de stabilité et de continuité dans l'ordre constitutionnel. Le problème est que cette continuité est créée comme une tentative artificielle par le pouvoir constituant afin de renforcer sa légitimité en se référant à une nation unie, une nation culturelle au lieu d'une polarité plurielle et diverse. Un outil, une « solution rapide » pourrait être le constitutionnalisme populiste, qui consiste à adopter les nouvelles idées sous la forme de la constitution et du droit constitutionnel. C 'est un procédé simple en Hongrie, car le gouvernement dispose d'une majorité constitutionnelle des deux tiers au Parlement ; de plus, la Hongrie a une constitution très souple et facilement amendable. Le constitutionnalisme du populiste devient le constitutionnalisme du populiste sans ménagement et avec célérité, par amendement simple de la constitution ; la législation mute alors en une solution rapide d'un l'agenda politique identifier comme illibéral, mais qui correspond à de nombreuses descriptions savantes du régime national populiste. On peut valablement se préoccupés de l'établissement des réalisations de la constitution historique érigées en source de droit en Hongrie, plus encore l'identité constitutionnelle, les attributs imaginaires et sciemment façonnés de la nation unie, et le mythe du peuple commun et des traditions communes nous apparaissent être des promesses politiques faites par un pouvoir public monolithique isolé de la société, et qui ont été incorporées dans le système constitutionnel sans fonction juridique effective.
Ma tâche a consisté à analyser la place de la Cour Constitutionnelle dans le système constitutionnel d'un État populiste, en suivant une méthodologie juridique, celle qui touche la vaste question du constitutionnalisme populiste, c'est-à-dire le processus de création d'identité, l'idéologie politique et la communication. Avec une approche interdisciplinaire, nous pourrions certainement créer une description plus précise encore de l'ensemble et des stratégies rhétoriques, car il ne s'agit pas seulement des textes juridiques, mais de leurs mécanismes de création et du « bruit de communication » qui entoure cette création. Dans cet article, mon objectif a été de prouver qu'en introduisant une telle terminologie dans la Loi Fondamentale et le système juridique sans fonction juridique d'origine, l'examen du droit s'estompe et le système est transformé en un véhicule pour en quelque sorte en dénaturer son identité et son interprétation conforme. Ce constat est plus que problématique car les textes juridiques et les textes constitutionnels doivent maintenir une signification et une fonction juridique reconnaissable et continue dans une démocratie qui s'inscrit dans l'Etat de droit. La
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Cour Constitutionnelle n'a pas su parvenir a identifier un véritable contenu de cette notion et son sens juridique alors même qu'elle s'y est acharnée.
Robert Cover, théoricien américain du droit, affirme que les textes juridiques sont entourés d'un riche univers narratif (Nomos), leur conférant différentes histoires, identités et signification.[56] Comme l'écrit Michel Rosenffeld dans l'un de ses livres, la création de l'identité constitutionnelle est basée sur une sorte de sélection parmi ces échantillons variés d'identités.[57] Cette sélection apparaît clairement dans la loi fondamentale de la Hongrie. La question est toutefois de savoir si le Nomos est le résultat d'un développement constitutionnel organique avec la participation de toutes les institutions de l'État et de la société, ou s'il s'agit d'une idée politique soudaine imposée à la société par le biais des institutions de l'État et de la loi. La création du récit - le processus identitaire - est par nature autonome, si elle doit être durable et reproductible à long terme. Cet article prouve que dans le cas du constitutionnalisme Hongrois, la compréhension des traditions constitutionnelles dans la création de l'identité constitutionnelle et dans l'interprétation des autres éléments du droit n'est pas le résultat d'un développement constitutionnel autonome.
Étant donné que l'idée de la constitution historique pose de nombreux problèmes « d'un point de vue juridique », il n'existe aucune raison juridique valable pour l'introduire dans la loi fondamentale. Par conséquent, il doit y avoir une raison « externe », c'est-à-dire non juridique, liée au populisme constitutionnel : la référence à la tradition constitutionnelle et à la constitution historique est une « solution rapide », voir bâclée afin d'accroître la légitimité de la nouvelle constitution et de déclarer un héritage constitutionnel commun de la nation unie.
Paul Blokker a parlé des « fausses promesses et des solutions rapides » comme d'une caractéristique importante des régimes populistes. L'agenda politique hongrois indique clairement que la force de la nation, le bien-être et la vie paisible dépendent de valeurs communes.[58] Ces valeurs communes sont créées par la constitution et par les lois. En Hongrie, le concept d'héritage constitutionnel commun de la nation fait non seulement partie de la rhétorique, mais aussi de l'ordre constitutionnel, car le parti populiste est en mesure de créer et de modifier la constitution et l'ordre juridique de son propre chef.
La Hongrie est un cas particulier, car cette référence apparaît également comme une règle obligatoire d'interprétation du texte constitutionnel et, selon certaines interprétations, elle conduit à la création d'une constitution hybride, une constitution
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écrite avec des éléments supplémentaires et incertains intégrés dans le concept des réalisations de la constitution historique. Ce cas est unique en Europe.
Cet article montre que la Cour constitutionnelle hongroise a joué un rôle important dans le développement de cette concentration particulière de constitutionnalité et d'interprétation constitutionnelle et, bien que la nature juridique de celle-ci soit très discutable, la Cour constitutionnelle a fait de gros efforts pour la comprendre et développer son interprétation. Cependant, d'un point de vue juridique, les résultats sont loin de convaincre. ■
REMARQUES
[1] L'article est une version abrégée de mon précédent article publié en Anglais sous le titre : F. Gárdos-Orosz, The reference to constitutional traditions in populist constitutionalism - The case of Hungary, (2020) 61 (1) Hungarian Journal Of Legal Studies, 23-51., https://doi.org/10.1556/2052.2021.00298
[2] B. Bugaric, The two faces of populism: Between authoritarian and democratic populism, (2019) 20 (3) German Law Journal, 390-400., 390-391., https://doi.org/10.1017/glj.2019.20
[3] Voir, Z. Szente et F. Gárdos-Orosz, Judicial deference or political loyalty?, in Z. Szente et F. Gárdos-Orosz (eds), New challenges to constitutional adjudication in Europe, (Routledge, 2018) 89-110., https://doi.org/10.4324/9781315164632-7
[4] T. Drinóczi et A. Bien-Kacala, Illiberal Constitutionalism: The Case of Hungary and Poland, (2019) 20 (8) German Law Journal, 1140-1166., https://doi.org/10.1017/glj.2019.83
[5] L. Corrias, Populism in a Constitutonal Key: Constituent Power, Popular Sovereignty and Constitutional Identity, (2016) 12 (1) European Constitutional Law Review, 6-26., https://doi.org/10.1017/S1574019616000031
[6] R. Eatwell et M. Goodwin, National Populism: The Revolt Against Liberal Democracy, (Pélican, 2018) 7-34.
[7] Bugaric, The two faces of populism: Between authoritarian and democratic populism, 390-395.
[8] J. W. Müller, What is Populism?, (University of Pennsylvania Press, 2016) 53.
[9] P. Blokker, Populism as a Constitutional Project, (2019) 17 (2) International Journal of Constitutional Law, 536-553., 542., https://doi.org/10.1093/icon/moz028
[10] Cette partie est basée sur une analyse précédente publiée sous le titre F. Gárdos-Orosz, Constitutional interpretation under the new Fundamental Law of Hungary, in F. Gárdos-Orosz et Z. Szente, Populist Challenges to Constitutional Interpretation in Europe and Beyond, (Routledge, 2021) 143-159., https://doi.org/10.4324/9781003148944-11
[11] Les règles relatives aux droits et obligations fondamentaux sont fixées par des lois. Un droit fondamental ne peut être limité pour permettre l'exercice d'un autre droit fondamental ou pour protéger une valeur constitutionnelle que dans la mesure où cela est absolument nécessaire, proportionnellement à l'objectif poursuivi et dans le respect du contenu essentiel de ce droit fondamental. Art. I. para (3) de la Loi Fondamentale.
[12] T. Drinóczi, N. Chronowski et M. Kocsis, What questions of interpretation may be raised by the new Hungarian constitution?, (2012) 1 (6) Vienna Journal on International Constitutional Law, 41-64., https://doi.org/10.1515/icl-2012-0103
[13] L'intégralité du discours peut être consultée sur le site : http://hungarianspectrum.wordpress.com/2014/07/31/viktor-orbans-speech-at-the-xxv-balvanyos-free-summer-university-and-youth-camp-july-26-2014-baile-tusnad-tusnadfurdo/ (consulté le 30.12.2022).
[14] Z. Szente, The Political Orientation of the Members of the Hungarian Constitutional Court between 2010 and 2014, (2016) 1 (1) Constitutional Studies, 123-149.
[15] P. Sonnevend, A. Jakab et L. Csink, The constitution as an instrument of everyday party politics: The Basic Law of Hungary, in A. von Bogdandy et P. Sonnevend (eds), Constitutional Crisis in the European Constitutional Area. Theory, Law and Politics in Hungary and Romania, (Nomos Verlagsgesellschaft, 2015) 46-123., https://doi.org/10.5771/9783845261386-46 ; R. Uitz, The Illusion of a Constitution in Europe: the Hungarian Constitutional Court after the Fifth Amendment of the Fundamental Law, in J. Bell and M-L. Paris (eds), Rights-Based Constitutional Review, (Edward Elgar, 2016) 396.
[16] L. Sólyom, The Rise and Decline of Constitutional Culture of Hungary, in A. von Bogdandy et P. Sonnevend (eds), Constitutional Crisis in the European Constitutional Area, (Nomos Verlagsgesellschaft, 2015) 14-45., https://doi.org/10.5771/9783845261386-14
[17] Zs. Zétényi (ed.), A történeti alkotmány - Magyarország ősi alkotmánya, (Magyarországért Kulturális Egyesület, 2010) 1-1164.
[18] Ádám Rixer identifie quatre approches dans l'interprétation de la Loi fondamentale. L'une est le rejet, l'autre est l'apprentissage, l'autre est l'application et la dernière est la position de centrage. Á. Rixer, A vívmány-teszt, (Ludovika Egyetemi Kiadó, 2018) 107-117.
[19] Schweitzer Gábor explique l'absurdité de cette hybridité tandis qu'András Zs. Varga y voit une solution juridique progressiste permettant de relier le passé, le présent et l'avenir pour renforcer le constitutionnalisme.
[20] Rixer, A vívmány-teszt, 1-155.
[21] A. Gera, Történeti alkotmányunk vívmányai az Alaptörvény speciális alkotmányos rendszerében, MTA Law Working Paper, (2021) (6).
[22] Décision du CC 16/2016 (X. 20.).
[23] Décision du CC 85 22/2016 (XII. 5.).
[24] Décision du CC 14/2020 (VII. 6.).
[25] Décision du CC 3023/2016 (II. 23.).
[26] Décision du CC 45/2012 (XII. 29.) ; décision CC 5/2013 (II. 21.).
[27] Décision du CC 4/2013 (II. 21.) ; décision CC 6/2013 (III. 1.).
[28] Gera, Történeti alkotmányunk vívmányai az Alaptörvény speciális alkotmányos rendszerében, 8.
[29] Par exemple, décision CC 28/2014 (IX. 29.).
[30] Décision du CC 25/2018 (XII. 28.) ; décision CC 22/2019. (VII. 5.) ; Gera, Történeti alkotmányunk vívmányai az Alaptörvény speciális alkotmányos rendszerében ; décision CC 3001/2019 (I. 7.).
[31] Décision du CC 33/2012 (VII. 17.).
[32] Décision du CC 28/2014 (IX. 29.) et 3002/2018 (I. 10.).
[33] Voir les lois CIV et CLXXXV de 2010.
[34] Z. Szente, A 2011. évi Alaptörvény és a történeti alkotmány összekapcsolásának mítosza, (2019) 12 (1) Közjogi Szemle, 1-8.
[35] Voir les exemples ci-dessus et d'autres encore, dans Z. Szente, A historizáló alkotmányozás problémái - a történeti alkotmány és a Szent Korona az új Alaptörvényben, (2011) (3) Közjogi Szemle, 1-13.
[36] Référence à un entretien avec László Sólyom dans Zs. Szakály, A történeti alkotmány és az alkotmányos identitás az Alaptörvény tükrében, (2015) (2) Pro Publico Bono - Magyar Közigazgatás, 24-38., http://real.mtak.hu/92610/1/2015_2.24-38.pdf (consulté le : 30.12.2022).
[37] Voir cet avis et d'autres exemples en hongrois, Szente, A 2011. évi Alaptörvény és a történeti alkotmány összekapcsolásának mítosza, 1-8.
[38] Szente, A 2011. évi Alaptörvény és a történeti alkotmány összekapcsolásának mítosza, 1-8.
[39] P. Paczolay, A történeti alkotmány és a konzervatív jogi gondolkodás, in L. Tőkéczki (ed.), Magyar Konzervatizmus. Hagyomány és Jelenkor, (Batthyány Lajos Alapítvány, 1994) 29-36.
[40] Gera, Történeti alkotmányunk vívmányai az Alaptörvény speciális alkotmányos rendszerében, 6.
[41] Z. Szente, The doctrine of the Holy Crown in the Hungarian historical constitution (2013) 4 (1) Journal on European History of Law, 109-115.
[42] G. Schweitzer, A magyar királyi köztársaságtól a magyar köztársaságig, (Publikon Kiadó, 2017) 153.
[43] Szente, A 2011. évi Alaptörvény és a történeti alkotmány összekapcsolásának mítosza, 1-8.
[44] G. Schweitzer, Közjogi provizórium, jogfolytonosság, új közjogi irány - Az 1919/1920-1944 közötti magyarországi alkotmányjog-tudomány vázlata, II. rész, (2014) 7 (2) Közjogi Szemle, 9-20.
[45] T. Drinóczi, N. Chronowski et M. Kocsis, What questions of interpretation may be raised by the new Hungarian constitution? (2012) 6 (1) Vienna Journal on International Constitutional Law, 41-64., https://doi.org/10.1515/icl-2012-0103
[46] Szente et Gárdos-Orosz, Judicial deference or political loyalty?, 89-110.
[47] T. Drinóczi, A 22/2016. (XII. 5.) AB határozat: mit (nem) tartalmaz, és mi következik belőle. Az identitásvizsgálat és az ultra vires közös hatáskörgyakorlás összehasonlító elemzésben, (2017) (1) MTA Law Working Papers, https://jog.tk.hu/mtalwp/a-222016-xii-5-ab-hatarozat-mit-nem-tartalmaz-es-mi-kovetkezik-belole-az-identitasvizsgalat-es-az-ultra-vires-kozos-hataskorgyakorlas-osszehasonlito-elemzesben (consulté le : 30.12.2022).
[48] Á. Rixer, A magyar jogrendszer jellegzetességei 2010 után, (Patrocinium Kft., 2012) 1-174.
[49] T. Sulyok et G. Deli, A magyar nemzeti identitás az Alkotmánybíróság gyakorlatában, (2019) 10 (1) Alkotmánybírósági Szemle, 57-59.
[50] G. Halmai, Abuse of Constitutional Identity. The Hungarian Constitutional Court on Interpretation of Article E) (2) of the Fundamental Law, (2018) (43) Review of Central and East European Law, 23-42., https://doi.org/10.1163/15730352-04301002
[51] E. Orbán, Quo vadis, « alkotmányos identitás »?, (2018) (3) Közjogi Szemle, 1-13.
[52] Voir également notre analyse E. Bodnár, F. Gárdos-Orosz et Z. Pozsár-Szentmiklósy, Developments in Hungarian Constitutional Law, in R. Albert, D. Landau, P. Faraguna et S. Drugda (eds), 2016 Global Review of Constitutional Law, (ICONnect-Clough Center, Boston, 2017) 77-81.
[53] Décision 22/2016 (XII. 5.) Raisonnement [67].
[54] Zétényi, A történeti alkotmány - Magyarország ősi alkotmánya, 1-1164.
[55] A történeti alkotmányunk is jogforrás! - Horváth Attila a Mandinernek, mandiner.hu, 15.12.2016., https://jog.mandiner.hu/cikk/20161214_a_torteneti_alkotmanyunk_is_jogforras_horvath_attila_a_mandinernek (consulté le : 30.12.2022).
[56] R. M. Cover, The Supreme Court 1982 Term. Foreword: Nomos and Narrative, (1982) 97 Harvard Law Review, 4-68., https://doi.org/10.2307/1340787
[57] M. Rosenfeld, The Identity of the Constitutional Subject: Selfhood, Citizenship and Community, (Routledge, 2009) 344., https://doi.org/10.4324/9780203868980
[58] A. Bartha, Zs. Boda et D. Szikra, When Populist Leaders Govern: Conceptualising Populism in Policy Making, (2020) 8 (3) Politics and Governance, 71-81., https://doi.org/10.17645/pag.v8i3.2922
Lábjegyzetek:
[1] L'auteur est professeur associé, ELTE Ecole de Droit ; chercheuse, Centre de research sociale, Institute juridique, Budapest.
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